Mobilité urbaine: les détails comptent

Mobilité urbaine … certes, pour les jeunes en bonne santé!

Il est souvent question, dans les articles et commentaires au sujet de questions urbaines, de mobilité douce: marcher, prendre le métro, faire du vélo. Ces modes présupposent un bon état de santé, c’est à dire la capacité de marcher facilement sur 1km, de pousser les portes du métro, de monter des escalier et/ou de faire du vélo.

On semble donc proposer une mobilité urbaine pour les personnes jeunes et dynamiques.

On n’est pas tous jeunes, et les jeunes deviennent vieux!

Mais beaucoup de personnes ne sont plus jeunes ou (physiquement) dynamiques: outre les personnes qui vivent avec un handicap, notre population vieillit.

Traversée piétonne: le parcours du combatant, même si on est jeune et dynamique! Source: https://www.realisonsmtl.ca/traverseedesrues/stories/probleme-important-d-accessibilite-de-traversee-de-rues-sur-rene-levesque-et-saint-laurent

Ces dernières semaines, passées avec un parent en perte de mobilité, m’ont rappelé cette évidence. Voici quelques écueils au déplacement qui m’ont sauté aux yeux:

Se déplacer avec un parent en chaise roulante devient un calvaire, car avant de sortir il faut planifier (prier?) afin d’éviter TOUS ces problèmes: il suffit d’un seul passage non franchissable pour que l’ensemble du déplacement soit caduque.

Ces dernières semaines, avant de sortir je me suis posé un série de questions dont je n’ai pas l’habitude:

  • On va au restaurant? Lequel est *réellement* accessible? Peut-on se garer à un endroit tel que le parcours parking-restaurant soit franchissable?
  • On veut passer à la banque? Dans laquelle peut-on rentrer sans escalader des marches?
  • On veut faire des courses? Quelle miracle fera que les trottoirs, les traversées, le mobilier, et les boutiques elles-mêmes permettront à mon parent d’accéder aux magasins. Autant dire qu’il faut espérer que les planètes s’allignent pour atteindre son but.
  • On veut se promener? Mais où aller pour être sûr de ne pas se heurter à une barrière infranchissable en chaise roulante?

Et ce ne sont pas seulement les personnes à mobilité réduite qui bénéficieraient de trottoirs, de traversées, de mobilier et de bâtiments bien pensés et entretenus. Toute personne portant des sacs, se promenant avec des enfants en poussette, ou désirant ne pas se fouler les chevilles sortirait gagnante si ont prenait le temps de penser à la mobilité pour tous.

Penser la ville comme un centre-commercial

Et la conclusion de ma petite expérience personnelle?

Les seuls endroits où l’on peut (presque) être sûr de faire ses courses, d’atteindre la banque, et de manger sans encombres sont (certains) centres commerciaux. Ce n’est pas la première fois que cette conclusion – que les urbanistes pourraient beaucoup apprendre en réfléchissant à ce qui rend attractif les centres commerciaux – apparaît dans un de mes billets.

En effet, dans les centres commerciaux bien gérés on peut se garer, et atteindre les larges couloirs de circulation et de promenade sans monter d’escaliers (certes, la traversée du parking peut-être délicate, mais beaucoup ont des stationnements pour personnes en perte de mobilité proches des portes).

Une fois à l’intérieur tout se passe sur un seul plan, ou alors il y a des ascenseurs entre niveaux.

Il n’y a pas de voitures qui circulent à l’intérieur.

De plus, on y a accès à des toilettes.

Pourquoi nos centres-villes n’ont ils pas ce niveau d’accessibilité? Il serait pourtant simple de mieux penser les détails de la ville, d’employer des personnes qui vivent avec une mobilité réduite afin de mieux comprendre les multiples problèmes qu’elles vivent au quotidien, et de les résoudre.

Mieux agencer le mobilier urbain, exiger une accessibilité pour tous aux bâtiments et commerces, penser *sérieusement* aux traverses piétonnes (leur localisation, leur design physique, le temps de passage, les virages à droite…) ….

Ce ne sont pas des grandes interventions. Mais ce sont des détails que beaucoup d’urbanistes et d’édiles passent sous silence: les personnes jeunes et dynamiques n’en ont que faire. Et celles en perte de mobilité: on peut les oublier?

Elles n’ont qu’à faire du vélo!

Published by Richard Shearmur

I am a professor at McGill's School of Urban Planning. I perform research on innovation, on how we locate work activities (in a world where people often work from many places), and on urban and regional economic geography. I used to work in real-estate, and teach a course on this. I am an urban planner, member of the Ordre des Urbanistes du Québec and of the Canadian institute of Planners.

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